Photo Daniel et Annick, article 1

Anick et Daniel : Aimer, à en perdre la raison 

En France, chaque mois, 50 000 personnes décèdent, soit 600 000 chaque année. Mais le vécu du deuil change-t-il lorsqu’il survient après 60 ans ? Cassandre Desré, psychologue clinicienne à la résidence EHPAD de l’Angélique à Niort, partage avec nous son expérience acquise au cours de ses sept années d’exercice dans cet établissement. Certains résidents, à ses côtés, ont également accepté de participer à l’interview.

« Il n’y a pas qu’un seul type de deuil chez les personnes âgées », nous a précisé Cassandre Desré. Cette idée différencie le deuil vécu par les jeunes de celui vécu par les personnes âgées. Au fil des années et des épreuves traversées, les seniors sont davantage confrontés au deuil, et pas seulement à celui du conjoint : le deuil de leur profession, de leur foyer suite à l’entrée en EHPAD, ou encore celui de leur indépendance. Une accumulation qui rend la gestion de la perte d’un être cher d’autant plus difficile. On pourrait même « faire un parallèle avec une plaie ou une fracture », selon la psychologue. Pour nos aînés, chaque épreuve ravive « les douleurs d’un deuil passé », faisant référence à une blessure ouverte dure à refermer. Dans d’autres cas, cette accumulation entraîne de nombreuses complications, comme Guy, résident à l’EHPAD de l’Angélique, a pu nous raconter : « Les conséquences de la perte ont été beaucoup plus nettes pour ma femme, car on lui avait diagnostiqué la maladie d’Alzheimer, mais à un stade très léger avant la mort de notre fille. On continuait à vivre pratiquement normalement, puis d’un seul coup, ça a été la chute. Aujourd’hui, je suis incapable d’oublier sa mort, d’autant plus que ma femme ne l’admet pas, me demandant où est Catherine. »

Afin de ne pas « fragiliser davantage l’os fracturé », il est essentiel d’être accompagné durant la période de deuil, et Cassandre Desré a bien insisté sur ce point : « Je ne pense pas qu’il soit réellement possible de traverser un deuil en étant seul. » À l’Angélique, un suivi psychologique n’est pas obligatoire, d’après la spécialiste, car il ne faut pas que les résidents se sentent contraints. L’accompagnement doit être une démarche personnelle. Il y a de nombreuses étapes à franchir avant de reconnaître le besoin d’aide. Même sans aide médicale, « l’entourage familial peut être un véritable mur porteur », permettant à la personne endeuillée d’être écoutée sans jugement, afin d’alléger la peine causée par la perte. « Notre grande perte, ça a été papa, qui déclinait d’année en année, et ma mère a soulevé des montagnes pour lui avant sa mort. {…} Nous avons été entourés, pour son enterrement, de tous nos cousins qu’on aime d’amour, et aujourd’hui, maman est encore là pour témoigner de l’amour qu’elle avait pour lui. » Graciane, mère d’une résidente de l’EHPAD.

EHPAD de l'Angélique
Sources : EHPAD de l’Angélique – Niort

Bien que l’accompagnement soit essentiel, le processus de deuil est vécu différemment, comme l’a expliqué la psychologue : « Je rencontre également des résidents qui retrouvent un équilibre après le départ de leur conjoint. » Pour de nombreuses personnes, la mort du conjoint n’est pas perçue uniquement comme une expérience de tristesse, mais aussi comme une forme de libération. Dans une vie où la dépendance a régi le quotidien du couple, la perte de l’un des conjoints peut amener à se recentrer sur soi-même, à devenir plus sociable ou encore à découvrir de nouvelles choses. Cassandre Desré a pu être témoin de diverses réactions suite à la perte d’un proche, comme l’arrivée d’un nouvel équilibre. Malheureusement, les réactions ne sont pas majoritairement joyeuses. La psychologue nous a partagé plusieurs anecdotes, dont celle-ci : « Une autre résidente, qui a perdu son mari il y a environ un mois, semblait consciente du décès, mais ne manifestait que peu de signes de détresse morale au début. Puis il semblerait que son corps ait pris le relais, car elle a dû être hospitalisée pour suspicion d’infarctus et n’a pas pu se rendre aux obsèques. » Cette réaction montre comment le corps réagit, parfois sans que la conscience ait encore effectué le travail d’assimilation. Une assimilation différente d’une personne à une autre, rendant le sujet complexe à appréhender.
« Je crois qu’il y a de l’espoir malgré tout », « Vive la vie », « Je dirais avec vous que la vie est belle, mais elle se termine toujours trop tôt. » Ce sont les mots que les résidents de l’EHPAD de l’Angélique ont souhaités nous adresser, dans le but de transmettre de l’espoir et du soutien aux personnes en deuil, tout en apportant un peu de positivité auprès d’un sujet aussi ardu à traiter.

Cassandre et Sacha

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